Il fait chaud comme dans un four et la bibliothèque est devenue un sauna. Mais attention, pas le genre sexy où les filles ouvrent légèrement leur chemisier et s’éventent de la main, murmurant “olala qu’il fait chaud”, tandis que les garçons passent langoureusement la main dans leur lourde crinière, tout en exhibant leurs bras bronzés en marcel moulant. Rien à voir. Ici, chacun sue sur ses livres, et les pages sont marquées par des milliers de traces de doigts, humides et grasses. Les cours dureront jusqu’à mi-juillet. Les examens se poursuivent jusqu’en août.
Une fontaine inutile s’active au milieu de la bibliothèque, mais rien ne rafraîchit cette atmosphère dense et pesante. L’odeur surtout est insoutenable. Les fenêtres ont beau être grandes ouvertes, les molécules de transpiration s’imprègnent dans les rayons de livres, dans les murs, dans les habits. Mes narines se tapissent d’une couche de ce parfum de l’effort si prenant. Presque autant que l’odeur de la cigarette : envahissante, asphyxiante.
Activé par l’exaspération ainsi que par le manque de concentration, mon cerveau est envahi par les Grandes Questions Existentielles :
– A quoi m’a servi cette année erasmus sur le plan personnel? Suis-je cette grande indépendante débrouillarde qui n’a plus peur de l’avenir que je m’étais promis de devenir?
– Pourquoi lire Bourdieu traduit en allemand? Pourquoi la version originale en français est-elle signalée comme “perdue”?
– Pourquoi pas d’appart à Genève? Pourquoi la crise économique? Pourquoi le chômage à la fin des études en lettres?
Pourquoi ce grand frisé (de sous les aisselles) s’est-il assis juste à côté en levant les bras au plafond toutes les cinq minutes, sous prétexte d’étirements relaxants?
Ma bouteille d’eau est désespérément vide. C’est la fin. Telle la limace, je vais me laisser glisser jusqu’à la sortie pour aller larver dans le premier café du coin (situé à l’intérieur de l’uni, le café. Pas assez courageuse pour ramper jusqu’au grand Extérieur. Pour réviser ses classiques sur les cafés indépendants de la Freie Uni, voire la chronique Starbucks alterno au sein de l’université). Ca donne soif de transpirer.
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